jeudi 3 décembre 2009

Contrepied de http://isabellelavoie1.blogspot.com/


1. Résumé de la technologie présentée par Isabelle

Les blogues prennent de plus en plus de place sur le web 2.0. Ce n’est pas surprenant puisque la diffusion par cette technologie est accessible à tous, et ne requiert aucune habileté particulière. La seule restriction est de niveau technique, soit de posséder un ordinateur branché à Internet. L’interactivité est la clé de cette technologie. Ainsi, tous les auteurs ont la possibilité de s’exprimer, de réagir, ou de commenter les billets de leurs confrères. En ajoutant le concept de gratuité, les principales raisons de la popularité grandissante des blogues sont réunies.

Isabelle a utilisé l’avis de professionnels de la communication afin de critiquer cette technologie de l’information. En ce sens, elle utilise la prise de position de l’entreprise AGC communications, qui stipule que les blogues sont très utiles en publicité et en relations publiques. Selon elle, la rapidité de la communication bidirectionnelle que permettent les blogues est un atout non négligeable pour les communicateurs d’aujourd’hui, notamment en situation de crise. (AGC communications, 2009, en ligne). Cependant, elle nuance en ajoutant les propos de Bathelot et Carpentier. Ces spécialistes de la communication évoquent la pente glissante sur laquelle peuvent se trouver les entreprises qui utilisent les blogues, dans le sens où ils sont en mesure de berner facilement les citoyens. (2009, en ligne) Isabelle a d’ailleurs souligné la controverse qui a eu lieu à Montréal, alors que des employés de l’agence Morrow Communication se faisaient passer pour des blogueurs qui vantaient l’utilisation du vélo en ville, alors qu’il s’agissait d’une stratégie de marketing de l’entreprise. (2009, en ligne) En conclusion, Isabelle propose une réglementation, afin que les blogues d’entreprises soient utilisés à bon escient, en respectent certaines règles éthiques.

2. Explication du désaccord

Il est difficile d’accorder de la crédibilité aux auteurs de blogues, compte tenu du caractère démocratique de cette plate-forme. En effet, tous en chacun peuvent s’y exprimer, ce qui rend fastidieux de distinguer l’information factuelle du simple commentaire. Les entreprises, quant à elles, ne peuvent se permettre de travailler avec un niveau discutable de fiabilité, spécialement en situation de crise. C’est pourquoi je remets en question la pertinence des blogues d’entreprise sur le web 2.0. En m’appuyant sur l’opinion des internautes, je développerai un argumentaire basé sur la raison d’être des blogues, soit le refus de la hiérarchie ainsi que la confiance mutuelle.

Cardon et Delaunay-Teterel, par leur essai faisant place à l’opinion des blogueurs, affirment : «Une énonciation publique se désignant commecitoyenne’ promet l’ouverture inconditionnée de l’espace de parole, la pluralité des points de vue et le refus d’une hiérarchisation s’appuyant sur les qualités des énonciateurs.» (2006 : 45, en ligne) Le refus de la hiérarchie représente un concept central de la technologie des blogues. En effet, la raison principale pour laquelle les internautes démarrent un blogue, c’est pour discuter ouvertement avec leurs semblables, sans la contrainte du jugement des autres. Comparables à des journaux intimes, les blogues dits traditionnels sont liés aux centres d’intérêt et aux opinions des auteurs. (Kent, 2008, en ligne) Leurs contenus sont contestables et infirmables. C’est pourquoi un blogue d’entreprise peut difficilement obtenir le crédit escompté, puisque son but est de faire passer un message, de convaincre. Malgré de la bonne volonté et de la transparence de la part de la compagnie, un blogue d’entreprise rompt avec le concept de refus de la hiérarchie, puisque l’échange se produit entre l’entreprise et son public cible (clients, actionnaires) plutôt que d’intégrer tous les citoyens.

Dans le même ordre d’idée, Cardon et Delaunay-Teterel poursuivent en affirmant que les blogueurs prônent la communication horizontale. «Cette visée de démocratisation de la prise de parole sur Internet s’est même vue radicalisée avec l’apparition des principes de ‘l’open publishing’, garantissant le droit à tous de publier informations et opinions sans être modéré, et de l’auto-organisation, faisant confiance à la discussion entre internautes pour opérer ex post un tri entre informations justes et fausses.» (2006 : 45, en ligne) Cette relation de confiance mutuelle et d’égalité n’est pas possible lorsqu’on intègre des professionnels de la communication. Premièrement, l’entreprise bénéficie de plusieurs stratégies communicationnelles visant à persuader les lecteurs, habiletés que la plupart des internautes ne possèdent pas. (Desavoye, 2005) Deuxièmement, leur discours est biaisé par leur position dans la compagnie pour laquelle ils sont engagés. Combinés, ces deux facteurs donnent souvent lieu à de la manipulation, notamment par des faux blogues. Une fois découvertes, ces arnaques nuisent à l’image de marque de la compagnie.

À la lumière des données recueillies, les auteurs en viennent à une conclusion : «il est peu probable que l’Internet citoyen vienne supplanter les formes traditionnelles du débat démocratique structuré par les rituels électoraux, les logiques d’opinion ou l’organisation professionnelle d’une couverture médiatique du débat public» (Cardon et Delaunay-Teterel, 2006 : 46, en ligne) En effet, les blogues n’ont fondamentalement pas la même visée que les médias dits traditionnels. Pour la majorité des blogueurs, il s’agit d’une plate-forme dédiée à la communication bidirectionnelle, contrairement aux médias traditionnels où la communication descendante prime.

Ainsi, que l’entreprise choisisse de jouer franc jeu, ou qu’elle use de techniques à la moralité discutable, l’efficacité des blogues d’entreprises est loin d’être garantie. C’est pourquoi je suis en désaccord avec la critique d’Isabelle, qui, malgré quelques nuances, vante l’utilisation des blogues par les entreprises. Selon le colloque Communication en temps de crise, trois moyens sont plutôt à privilégier lorsqu’on désire rejoindre rapidement le public, soit le site internet de l’entreprise, la création d’un groupe de discussion ou le courriel. (Maisonneuve, 1999: 242, en ligne)

1. Exemple

À la suite de l’argumentaire présenté, j’énoncerai un exemple de la mauvaise utilisation des blogues dans le domaine de la communication publique. Vous vous souvenez peut-être du faux blogue réalisé par Coca-Cola intitulé ‘The Zero Mouvement’ afin de promouvoir l’arrivée du Coke Zéro en 2006. Le blogueur attire l’attention du public par sa philosophie de vie qui consiste à ne rien faire : ‘Zero obligation’. Ce manque de transparence de la part de la compagnie a fait couler beaucoup d’encre. (Auckenthaler et d’Huy, 2007, en ligne) Des blogueurs ont d’ailleurs réagi sur cette campagne en lançant un blogue intitulé ‘The Zero Mouvement Sucks’. C’est par un langage très provocateur qu’ils font savoir leur mécontentement à l’égard de la stratégie marketing de Coca-Cola. Ils ont même mis en vente une série de chandails dénonçant le faux blogue.

«Just in case your friends don't understand how cool being a member of an ad-agency created multi-million dollar mass-market underground movement can be, you can always remind them with these smashing tees.» (En ligne, 2006)

«Il aurait pu s’agir d’une maligne petite campagne de buzz, mais quand le teasing dure trop longtemps cela devient une supercherie. Résultat, l’afflux de commentaires plus que négatifs sur le lancement de ce vrai faux blog a poussé Coca à orner la page d’accueil d’une énorme bouteille du dernier né de la marque.» (Auckenthaler et d’Huy, 2007, en ligne :176) Selon ces auteurs, l’internaute consommateur déteste par-dessus tout être floué. Il est effectivement critiquable qu’une compagnie aussi prestigieuse que Coca-Cola abuse de moyens détournés afin de créer sa publicité gratuite.

Bien entendu, les faux blogues de ce genre foisonnent sur le web 2.0. Ces nombreuses entraves à la transparence ont d’ailleurs poussé la direction générale du volet Santé et protection des consommateurs de la Commission européenne à produire un rapport intitulé : ‘La directive relative aux pratiques commerciales déloyales’, afin de contrer ce fléau, entre autres. (2007, en ligne) Malgré son application en 2007, cela n’a pas empêché d’autres faux blogues d’apparaître sur la toile, notamment l’affaire Bixi en 2008. Comment une entreprise peut-elle être prise au sérieux lorsqu’elle interagit sournoisement sur une plate-forme réservée à la production par le grand public?

1. Pistes de réflexion

En guise de conclusion, notons que les blogues contribuent à réduire la fracture numérique, c’est-à-dire, de diminuer l’abîme entre l’élite et la masse, entre les producteurs et les récepteurs d’information. Ainsi, cette technologie, en permettant à tous de s’exprimer librement, instaure une certaine démocratie, puisqu’aucune connaissance particulière de la technologie n’est nécessaire. La logique ‘push’ des médias traditionnels, qui impose un contenu aux consommateurs, cède sa place à la logique ‘pull’ des nouveaux médias, favorisant l’implication des récepteurs. (Rabeau, 2007: 64) Ces derniers ne sont plus passifs, ils ont un regard critique face à ce qu’on leur présente et sont avides de partager leur point de vue. En ce sens, les blogues d’entreprise ont-ils leur place sur le web 2.0? Les compétences des communicateurs ne placent-t-elles pas la compagnie sur un piédestal par rapport aux autres blogueurs? Est-ce que les stratégies de marketing et de relations publiques s’orchestrent avec l’essence même de la technologie des blogues? Selon Michael L. Kent, les entreprises devraient d’abord se questionner sur leurs besoins organisationnels, leur réputation, leur budget, etc., afin d’évaluer en premier lieu s’ils ont besoin d’un blogue, et en second lieu les risques que cela implique. (Kent, 2008, en ligne)

1. Bibliographie

AGC Communications. 2009. «Les avantages d’un blogue prise 1». En ligne. http://agcblog.com/2009/04/15/les-avantages-dun-blogue-prise-1/. Consulté le 15 novembre 2009

Auckenthaler, Brice et d’Huy, Pierre. 2007. «L’imagination collective». Entreprise carrières. 202p. En ligne. http://books.google.com/books?id=zS3qyvVlW_IC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_navlinks_s#v=onepage&q=&f=false. Consulté le 16 novembre 2009.

Bathelot, Bertrand et Stéphane Carpentier. 2009. «Les blogs publicitaires». En ligne. http://www.abc-netmarketing.com/Les-blogs-publicitaires.html. Consulté le 15 novembre 2009

Cardon, Dominique, Delaunay-Teterel, Hélène. 2006. «La production de soi comme technique relationnelle, Un essai de typologie des blogs par leurs publics». Réseaux. Cairn.info. En ligne. http://www.unige.ch/ses/socio/pdrs/programme/20072008/collectifsmorges/CardonBlogs.pdf. Consulté le 15 novembre 2009.

Commssion Européenne : Direction générale Santé et protection du consommateur. «La directive relative aux pratiques commerciales déloyales». En ligne. http://ec.europa.eu/consumers/cons_int/safe_shop/fair_bus_pract/ucp_fr.pdf. Consulté le 16 novembre 2009.

Desavoye, Benoît et al. 2005. «Les blogs, Nouveau média pour tous». M2 éditions. 200p. En ligne. http://books.google.com/books?id=thE2QVcLI7YC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_navlinks_s#v=onepage&q=&f=false. Consulté le 16 novembre 2009.

Kent, Michael L. 2008. Critical analysis of blogging in public relations. Public relations review. ScienceDirect. En ligne. Dans Communication et changements technologiques. En ligne. http://www.changements.com.ulaval.ca/module10/RP_blog.pdf. Consulté le 30 novembre 2009.

Gingras, Anne Marie. 2006. «Médias et démocratie : le grand malentendu». Les presses de l’Université du Québec. 287p. En ligne. http://books.google.com/books?id=EZWguAMXAtsC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_navlinks_s#v=onepage&q=&f=false. Consulté le 16 novembre 2009.

Maisonneuve, Danielle et al (sous la direction de). 1999. Communication en temps de crise. Les presses de l’Université du Québec. En ligne. http://books.google.com/books?id=vDF5OejdRkoC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_navlinks_s#v=onepage&q=&f=false. Consulté le 30 novembre 2009.

Rabeau, Yves. 2007. «La radiodiffusion en pleine transformation : la technologie, les consommateurs et les stratégies des entreprises». La rencontre des anciens et des nouveaux médias, Sainte-Foy : Centre d’études sur les médias.

The Zero Mouvement Sucks. 2006. En ligne. http://thezeromovementsucks.blogspot.com/. Consulté le 23 novembre 2009.

Wikipédia. Fracture numérique. 2009. En ligne. http://fr.wikipedia.org/wiki/Fracture_numérique. Consulté le 16 novembre 2009.

Illustrations :

Blog : http://www.ad-invaders.com/fr/blog/wp-content/uploads/2009/05/reussir-son-blog1.jpg

The Zero Mouvement : http://thezeromovementsucks.blogspot.com/

To blog or not to blog : http://pianococktail.files.wordpress.com/2008/08/humour-blog2.jpg

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